CAFÉ-PHILO DU 26/03/2013

Café-philo

« L’empathie ? »

 

Mardi 26 Mars 2013

A 19h00 au ‘café de pays’ de COLOGNAC

5 Km de Lasalle –  8 Km de Monoblet – 12 Km de St Hippolyte de fort – 17 Km d’Anduze

 

Concept récent, l’empathie offrirait-elle une nouvelle voie royale pour comprendre la complexité de l’humain ?  L’empathie semble bien placée pour devenir le dernier concept à la mode. Mais pourquoi tant d’engouement ? Certains auteurs, comme Jeremy Rifkin, n’hésitent pas à la présenter comme une formidable force altruiste. Entre sympathie et compassion, ce terme semble nomade, au carrefour du développement psychique, de l’imagerie médicale et des théories de l’esprit, migrant d’une discipline à l’autre, de l’éthique à l’esthétique, à la philosophie, à la sociologie, à la psychologie, à la politique, voire à la théologie. Comment en préciser la signification et les implications ?

 

Modérateur : patrick.bres3@orange.fr – 06 89 33 83 48

 

Le Café-philo de Colognac a lieu tous les derniers mardis du mois, sauf Juillet et Août.

Les thèmes sont décidés par les participants à chaque séance pour la séance suivante.  

 

N’oubliez pas le ventre des philosophes : apportez quelques saveurs à  déguster !

 

Du grain à moudre :

 

L’empathie du grec ἐν, dans ou à l’intérieur et de πάθoς, souffrance, ce qui est éprouvé, est une notion désignant la « compréhension » des sentiments d’autrui, soit : l’empathie émotionnelle qui désigne la capacité à comprendre les états affectifs d’autrui et le concept d’empathie cognitive, qui consiste à comprendre les états mentaux d’autrui.

« L’objet de l’empathie serait la compréhension. En somme, l’empathie serait un mode de connaissance. »

Le terme « empathie » a été créé en allemand (Einfühlung, ressenti de l’intérieur) par le philosophe Robert Vischer (1847-1933) pour désigner le mode de relation d’une personne avec une œuvre d’art qui permet d’accéder à son sens. Il a ensuite été repris par Théodore Lipps (1851 – 1914) pour désigner dans ses écrits, le processus par lequel « un observateur se projette dans les objets qu’il perçoit ». Par la suite, Lipps introduisit la dimension affective dont héritera notre conception moderne. Le terme a ensuite été repris par Karl Jaspers, psychiatre et philosophe allemand (1883 – 1969), puis par Sigmund Freud (1856 – 1939) avant de s’imposer plus largement.

Au cours du XXème siècle, le concept d’empathie se répand dans les sciences humaines. Cette notion a fait l’objet de nombreuses réflexions en psychiatrie en psychanalyse avec les théories de Heinz Kohut, psychanalyste Viennois (1913 – 1981) et de la part de théoriciens et praticiens de la relation notamment Carl Rogers (1902 – 1987).

 

Quelle différence entre sympathie, empathie, pitié et compassion ?

La sympathie, ce serait « partager les émotions avec autrui ». Elle provoquerait chez l’autre une sensation de bien-être et des sentiments d’amour et d’amitié. Elle permettrait le partage et l’esprit d’équipe. Dans la sympathie, l’imitation et le désir de complicité tiennent une place importante.

L’empathie serait plutôt la capacité « à se mettre à la place d’autrui ». Il s’agirait de « s’imaginer », de « se  projeter » dans la vie de l’autre afin de mesurer le vécu d’autrui en fonction d’autrui et non pas de son propre jugement. Ce serait une approche d’origine plus psychanalytique où l’on tenterait de voir l’autre comme autre dans sa vérité à lui.

La pitié serait plutôt à considérer comme un affect, un « sentiment naturel ». Beaucoup de philosophes ont parlé de « pitié naturelle ». Elle serait, pour certains, l’une de nos faiblesses (Sénèque) pour d’autres une force (Rousseau) : sans la pitié aucune société juste ne pourrait se construire (voir la distinction entre droit naturel et droit social).

La compassion, quant à elle, serait la capacité à souffrir avec autrui même lorsque soi-même on ne ressent aucune douleur. Ce serait de surcroît une vertu morale comme fondement de tout projet humain par la conscience de la douleur d’autrui et l’absence d’égoïsme. La compassion serait donc un choix.

Carl Rogers et l’empathie :

L’empathie ou la compréhension empathique consiste en la perception correcte du cadre de référence d’autrui avec les harmoniques subjectives et les valeurs personnelles qui s’y rattachent. Percevoir de manière empathique, c’est percevoir le monde subjectif d’autrui « comme si  » on était cette personne – sans toutefois jamais perdre de vue qu’il s’agit d’une situation analogue, « comme si « . La capacité empathique implique donc que, par exemple, on éprouve la peine ou le plaisir d’autrui comme il l’éprouve, et qu’on en perçoive la cause comme il la perçoit (c’est-à-dire qu’on explique ses sentiments ou ses perceptions comme il se les explique), sans jamais oublier qu’il s’agit des expériences et des perceptions de l’autre. Si cette dernière condition est absente, ou cesse de jouer, il ne s’agit plus d’empathie mais d’identification. Psychothérapie et relations humaines. (1962) Vol. 1, p. 197)

http://carl-rogers.fr/l%20empathie%20en%20psychotherapie.pdf

http://carl-rogers.fr/Les%20conceptions%20de%20l’empathie.pdf

 

Jeremy Rifkin « une nouvelle conscience pour un monde en crise, vers une civilisation de l’empathie »

Les liens qui libèrent, 2011.

Sa thèse principale est annoncée dès les premières pages, et elle consiste à mettre en relation deux phénomènes historiques, généralement disjoints : d’une part, l’émergence d’une civilisation « mondiale », générée par les progrès dans la communication entre les hommes, fondée sur la conscience de notre interdépendance et, d’autre part, la menace grandissante de la disparition d’un monde habitable pour l’homme qui résulte de la consommation d’énergie requise par un tel développement. Conjonction, donc, mais inouïe et saisissante entre deux processus, celui de l’empathie et celui de l’entropie :

« Aujourd’hui, dans ce qui devient une civilisation interconnectée à l’échelle mondiale, la conscience empathique commence à toucher les derniers confins de la biosphère et toutes les créatures vivantes. Malheureusement, cela se produit au moment précis de l’histoire où ces mêmes structures économiques qui nous rassemblent aspirent massivement les ressources restantes de la Terre pour perpétuer une civilisation urbaine interdépendante et ultra-complexe, et, ce faisant, détruisent la biosphère […] Nous fonçons vers la conscience biosphérique dans un monde menacé de disparition. Pour renégocier à temps une relation durable avec la planète et nous écarter du bord de l’abîme, nous devons comprendre la contradiction qui se trouve au cœur de la saga humaine […] La dialectique qui sous-tend l’histoire de l’humanité est une boucle de rétroaction perpétuelle entre extension de l’empathie et montée de l’entropie » [p. 31-32]. Tel est le cruel paradoxe dont Rifkin déploie les raisons et les conséquences.

Une nouvelle vision de la nature humaine

Le premier point le plus intéressant de la démonstration consiste à proposer une « nouvelle vision de la nature humaine », qui contredit radicalement le paradigme dominant de l’homo œconomicus, cet individu calculateur qui vise, en toutes circonstances, à maximiser son intérêt égoïste, encore repris par Freud. C’est tout au contraire, la loi de la coopération (plutôt que de la compétition), la recherche de la relation (plutôt que l’affirmation de sa propre autonomie), le sens de l’empathie (plutôt que la poursuite aveugle de la satisfaction de ses appétits), autrement dit l’altruisme plus que l’égoïsme, qui constituent les aspirations fondamentales des êtres humains que nous sommes.

Rifkin a parfaitement raison de souligner que ces déterminations essentielles, loin d’être contredites par la montée de l’individualisme dans nos sociétés modernes, sont, au contraire, favorisée par celles-ci. C’est une erreur de jugement et de pensée de tenir pour identiques individualisme et égoïsme. Prenez l’exemple des dissidents à l’époque soviétique. Tous ces Soljénitsyne, Sakharov, Havel, etc. étaient tout à la fois des individus revendiquant leur droit, et le droit pour tout homme, à être des individus singuliers – et de fait, ils étaient des êtres absolument uniques – alors même qu’ils agissaient au nom de principes qui les conduisirent à connaître l’emprisonnement, la déportation et la relégation sociale. Comme l’écrit très justement Rifkin : « L’éveil du sens de l’identité personnelle, née de la différenciation, est crucial pour le développement et l’expansion de l’empathie. Plus le moi s’individualise et se développe, plus nous prenons conscience de notre existence unique, finie et mortelle, de notre solitude existentielle, des mille défis auxquels nous nous heurtons dans notre lutte pour être et pour nous épanouir. Ce sont ces sentiments existentiels qui nous permettent d’entrer en empathie avec ceux, très proches, qu’éprouvent les autres […] C’est ce processus que nous nommons civilisation. La civilisation, c’est la détribalisation : la socialisation fondée sur les liens du sang se défait et une resocialisation s’opère sur la base de liens d’association entre individus […] Quand nous disons « civiliser », nous disons « empathiser »[p. 30].

Je songe à ce qu’écrit Rousseau dans l’Emile et qui va dans le même sens : « C’est la faiblesse de l’homme qui le rend sociable : ce sont nos misères communes qui portent nos cœurs à l’humanité, nous ne lui devrions rien si nous n’étions pas hommes […] Si nos besoins communs nous unissent par intérêt, nos misères communes nous unissent par affection » [liv. IV, Oeuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, t. IV, p. 503]. Or, cette conscience de notre vulnérabilité commune, fondée sur le sentiment d’empathie – cette « affection » dont parle Rousseau – est le moteur du grand processus civilisateur – la pitié et pas seulement l’amour-propre, pour reprendre le vocabulaire rousseauiste – qui est en passe de se développer comme jamais auparavant dans l’histoire humaine.

http://michel-terestchenko.blogspot.fr/2011/05/jeremy-rifkin-la-civilisation-de.html

http://www.franceculture.fr/emission-les-matins-vers-une-civilisation-de-l-empathie-2011-05-03.html

 

Empathie : le danger des mystifications par Serge Tisseron :

L’empathie semble bien placée pour devenir le dernier concept à la mode. Mais pourquoi tant d’engouements ? Parce que nous avons tous envie d’y croire ! Et pour rendre l’empathie encore plus désirable, certains auteurs, comme Jeremy Rifkin, n’hésitent pas à la caricaturer et à la présenter comme une formidable force altruiste. Pourtant, les diverses recherches menées actuellement en neuro physiologie sont formelles : si l’empathie est bien la capacité de percevoir les états mentaux de l’autre, elle n’est pas la tendance à s’en préoccuper. Telle est la première mystification qu’entretient l’ouvrage de Jeremy Rifkin. La seconde est de nous faire croire que les technologies numériques augmenteraient les capacités empathiques de l’humanité. Pour comprendre ces deux mystifications, commençons par définir l’empathie.

L’empathie directe consiste à la fois à comprendre le point de vue de l’autre (c’est l’empathie cognitive) et ce qu’il ressent (c’est l’empathie émotionnelle). La compréhension émotionnelle et cognitive qu’il a de l’autre est alors utilisée pour le manipuler, voire l’éliminer.

L’empathie réciproque. C’est le fait de traiter autrui comme soi. A la différence de l’empathie directe, ses bases sont éthiques. Elle fonde la réciprocité. Cette reconnaissance mutuelle a trois facettes : reconnaître à l’autre la possibilité de s’estimer lui-même comme je le fais pour moi (c’est la composante du narcissisme) ; lui reconnaître la possibilité d’aimer et d’être aimé (c’est la composante des relations d’objet) ; lui reconnaître la qualité de sujet du droit (c’est la composante de la relation au groupe). Le regard et les échanges mimiques et gestuels y jouent un rôle essentiel.

L’empathie est l’intersubjectivité. Elle consiste à reconnaître à l’autre la possibilité de m’éclairer sur des aspects de moi-même que j’ignore. Il ne s’agit plus seulement de s’identifier à l’autre, ni même de reconnaître à l’autre la capacité de s’identifier à soi en acceptant de lui ouvrir ses territoires intérieurs, mais de se découvrir à travers lui différent de ce que l’on croyait être et de se laisser transformer par cette découverte.

Après le fait de nous présenter l’empathie comme une force naturellement altruiste, Jeremy Rifkin nous incite à croire que les technologies numériques augmenteraient tout aussi naturellement les capacités empathiques de l’humanité. En réalité, ces technologies sont mobilisées autant au service du lien que de la fuite, entre link et leak, et elles peuvent servir au meilleur comme au pire. Là encore, Jeremy Rifkin ne voit que la moitié du problème. Ces technologies peuvent stimuler la communication et l’empathie, c’est vrai, mais aussi provoquer un retrait émotionnel et favoriser la manipulation et le désir d’emprise. Donnons-en rapidement quelques exemples.

Jeremy Rifkin nous mystifie : le mot d’empathie a une histoire dont il nous parle fort bien, mais il a aussi une utilité dont il ne nous dit rien ! Or c’est cette utilité psychique, et aussi politique, qui explique aujourd’hui que le mot flambe. Pour atténuer notre inquiétude de nous sentir entrer dans un monde de plus en plus dérégulé.
La vérité est qu’il n’y a pas plus d’empathie aujourd’hui que par le passé, ou plutôt, que rien ne nous permet de l’affirmer. En revanche, nous savons bien mieux qu’hier à quoi mène son défaut : les grands massacres du XXème siècle sont là pour nous le rappeler. Mais nous savons aujourd’hui qu’elle peut s’apprendre, notamment par le jeu qui invite à se mettre à la place de l’autre (Tisseron S., 2010). C’est pourquoi nous serions impardonnables de ne pas nous préoccuper de la développer, et cela dès le plus jeune âge.

Serge Tisseron psychiatre et psychanalyste http://www.cuberevue.com/empathie-le-danger-des-mystifications/23

 

Une Histoire de l’empathie, Jacques Hochmann, Odile Jacob 2012 :

Qu’est-ce que l’empathie et que peut-on en faire ? Est-ce un véritable concept ou une sorte d’outil à tout faire et à tout expliquer dans le management, la relation thérapeutique, les sciences sociales et la philosophie de l’intersubjectivité ? Soucieux d’apporter quelques réponses, Jacques Hochmann, médecin et psychanalyste, tente avec pertinence une brève histoire de l’empathie et de la sympathie. Face à l’ampleur d’un tel sujet, l’auteur choisit de tracer quelques avenues, d’abord dans l’histoire de la philosophie en traitant de la sympathie (Hume, Smith) sans mentionner les stoïciens. L’itinéraire aborde ensuite les origines esthétiques de l’empathie puis la phénoménologie de Husserl et son immense héritage aussi bien en philosophie (Scheler) qu’en psychiatrie (Binswanger). Le parcours en psychanalyse (Freud, Ferenczi) et en psychothérapie (Rogers) offre les passages les plus précis, avant de s’ouvrir aux nouvelles perspectives des sciences cognitives et des théories évolutionnistes de l’altruisme. Sans équivalent, l’ouvrage présente un intérêt à la fois historique, théorique (distinction des acceptions cognitive, affective, narrative), pratique et éthique. Se défiant de l’optimisme d’une « civilisation empathique » (Rifkin), l’auteur souligne avec justesse la face négative de l’empathie (comprendre l’autre pour mieux lui nuire) et l’abîme de la « désempathie » (le chosifier en niant son humanité). Les usages de l’empathie réclament toujours une vigilance éthique.

L’empathie, capacité à ressentir et comprendre les émotions d’autrui, est considérée aujourd’hui comme une notion centrale en psychologie et en sciences humaines. Pour le primatologue Frans de Waal, l’empathie, déjà présente chez de nombreux animaux, est l’un des fondements de la morale [1]. Pour l’essayiste Jérémy Rifkin, l’empathie est la source des civilisations humaines et la condition de sa survie.[2] Quant au psychiatre Serge Tisseron, il juge l’empathie « au cœur du jeu social »[3]. Le rôle majeur que l’on attribue aujourd’hui à l’empathie dans la naissance de la morale et de vie collective est surprenant quand on sait que le mot était inexistant dans la langue française il y a moins de cinquante ans !

Dans son Histoire de l’empathie (éd. Odile Jacob) Jacques Hochmann, psychiatre et psychanalyste a entrepris de reconstituer l’histoire intellectuelle de cette notion. Il constate d’emblée que l’empathie est un terme d’apparition récente. Le mot Allemand  einfühlung, qui signifie « ressenti de l’intérieur », date de 1873. L’anglais empathy apparaît en 1909. Quant au français empathie, il apparaît seulement vers 1960. Certes, les philosophes des Lumières (Hume, Rousseau), puis l’économiste Adam Smith avait utilisé le mot « sympathie » pour désigner le partage d’émotions communes entre personnes, mais la notion restait d’un usage assez marginal. C’est à partir de la fin du 19ème siècle que le mot empathie prend son essor dans un domaine éloigné de la psychologie : c’est en esthétique qu’il sera d’abord utilisé pour désigner l’émotion que l’artiste a suscité au moyen d’un poème ou d’un tableau.

L’empathie rentrera dans le domaine propre de la psychologie pour devenir synonyme d’intersubjectivité au partir du 20ème siècle. On la retrouve chez Freud, puis chez le philosophe Husserl, père de la phénoménologie.

Au fil des chapitres, J. Hochmannn suit les méandres de la notion telle qu’elle a été utilisée en psychanalyse (de Freud aux psychanalystes américains) jusqu’aux développements récents en neurosciences et en psychologie évolutionniste. Il s’interroge enfin sur son « déferlement contemporain » dans le domaine des sciences humaines.

L’avantage de cette histoire panoramique est de montrer les inflexions de la notion à travers le temps et les disciplines. L’auteur perçoit notamment deux significations différentes de l’empathie. La première – que Jacques Hochmann appelle « empathie sèche » – désigne la compréhension des intentions, des croyances et émotions d’autrui. Cette acception se distingue de « empathie humide », qui désigne le fait de ressentir les mêmes émotions qu’autrui. On peut en effet comprendre les émotions d’une personne (par exemple comprendre la tristesse d’un ami qui connaît une déception amoureuse) sans pour autant la ressentir soi-même.

En cernant ainsi les définitions multiples de l’empathie, Jacques Hochmann fait œuvre utile. Il permet de mettre en question les fausses évidences, les réductions simplificatrices d’une notion carrefour.

Il y a quelques années, Jacques Hochamnn avait publié une remarquable Histoire de l’autisme. Gageons que cette histoire de l’empathie fera également date.

http://www.franceculture.fr/emission-l-essai-et-la-revue-du-jour-une-histoire-de-l%E2%80%99empathie-revue-gradhiva-2012-05-21

 

Empathie n’est pas que sympathie par Jean-François Nominé :

L’empathie est cette capacité que nous aurions tous de sentir avec plus ou moins de tact – si ce n’est d’anticiper – les sentiments et les états psychologiques de nos congénères. Elle nous permettrait même de ressentir le contexte de croyance d’autrui ou d’autres paramètres extérieurs à l’émotion et aux sensations. La découverte des neurones miroirs en 1990 par l’équipe de recherche italienne de Giacomo Rizzolatti a fait penser que c’était une capacité qui pourrait être innée. Elle a inspiré des expérimentations – même si on ne peut être sûr de l’existence de ces neurones chez les humains, semble-t-il – où il a été observé que des enfants en bas âge sont capables de percevoir l’intention de l’acteur d’un geste. Ils auraient même été capables d’anticiper la suite logique de cet acte-même, bien que leur expérience soit encore limitée par rapport à un individu adulte. Il n’y a pas seulement imitation mais aussi donc projection.

Reste qu’étymologiquement comme par facilité de langage, l’empathie est associée à des sentiments ou des valeurs de sympathie ou de compassion alors qu’elle relève d’une expérience psychologique sans finalité morale ou prolongement affectif a priori. Cette finalité est plus question de caractère, de choix, d’éducation et de dispositions psychologiques temporaires et contingentes. Passer de l’empathie à la compassion et agir en conséquence n’est pas un fait automatique, un réflexe.

Au quotidien, l’empathie contribue à notre jugement face aux circonstances et aux actes qui impliquent les autres ou nous-mêmes. Elle nous permet par voie de conséquence de donner un sens à ce que nous faisons éventuellement envers eux. Et donc réciproquement, cette perception et compréhension des sentiments extérieurs nous aide par similitudes à nous comprendre nous-mêmes. Ajoutons, qu’une perception empathique n’aura pas les mêmes conséquences dans un contexte d’affection, de rencontre sociale ordinaire ou passionnelle.

En tout cas, l’empathie nourrit notre expérience psychologique et sociale, et peut nous servir d’outil dans la vie collective, comme la conduite d’une équipe ou de projets où la composante relationnelle est un paramètre de réussite de l’objectif. L’empathie peut fonder notre capacité de persuasion dans nos interactions avec les autres.

Allons plus loin, elle peut aussi être exploitée avec malveillance quand on manipule quelqu’un pour le conduire à agir contre ses intérêts ou contre son propre bien-être. Et plus loin encore, dans des contextes de contraintes fortes, ou encore extrêmes, elle peut armer le policier, en particulier politique, ou pire encore le tortionnaire. Ce dernier peut s’avérer être un individu d’une grande intelligence, très compréhensif de la détresse de sa victime et qui l’intensifie jusqu’à la briser complètement comme l’ont rapporté des survivants torturés par Klaus Barbie ou d’autres bourreaux de tous poils.

L’empathie peut se concrétiser dans l’affection, l’amour comme dans la haine ou la perversité selon les intentions ou les complexes internes de l’individu qui utilise le savoir qu’elle lui procure.

http://philosophie.initiation.cours.over-blog.com/article-empathie-n-est-pas-que-sympathie-47729001.html

 

Pour aller plus loin :

 

http://temporel.fr/Une-vie-pour-l-empathie-Edith

http://www.cuberevue.com/empathie-panorama-du-web/63

http://www.u-picardie.fr/colloquedouleuretempathie/?page_id=60

http://www.paris-sorbonne.fr/IMG/pdf/position_LopesSemedo.pdf

http://dep-philo.u-paris10.fr/departement-de-philosophie/les-paradoxes-de-l-empathie-abstracts-292570.kjsp

http://www.franceculture.fr/plateformes-l%E2%80%99empathie-comprendre-l%E2%80%99autre-l%E2%80%99empathie-comprendre-l%E2%80%99autre-44.html

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